Résultat d’une recherche rapide : 4.486 sur VDAB, 813 sur jobat, 2883 sur Indeed… Si vous êtes comptable à la recherche d’un nouveau défi, c’est le bon moment. La profession de comptable figure depuis belle lurette sur la liste des professions en pénurie du VDAB, pendant flamand du Forem. Bonne nouvelle pour les demandeurs d’emploi. Mais comment continuer à faire tourner une fiduciaire ? 100% numérique ? En quête d’autres profils ? Est-ce là la raison de la vague de consolidation dans le secteur ? Laissons la parole aux spécialistes. Analyse !

Ont pris place autour de la table :

Tom : « La profession de comptable est en pénurie. Quels (grands) moyens mettez-vous en œuvre vous pour attirer et fidéliser des collaborateurs ? »

Luc : « Notre bureau opère tous azimuts, chez nous, tout ne tourne pas autour des seuls chiffres. A nos yeux, il est important que nos collaborateurs se sentent à l’aise chez nous et puissent profiter d’épisodes de plaisir et de délassement. Chacun a le droit de s’exprimer, même lorsqu’il s’agit de questions personnelles »

« Nous avons les yeux tournés vers l’avenir et proposons de réelles perspectives. De telles possibilités de carrière sont essentielles, parce que tout le monde ne tient pas à faire sempiternellement le même travail.,. C’est aussi ce que dit notre site, en fin de compte le tout premier vecteur de recherche de collègues potentiels. Cette vitrine virtuelle se doit d’être professionnelle et attrayante »

« Nous veillons aussi à instaurer de bonnes relations avec les écoles. Les étudiants viennent chez nous pour leurs stages, et les bons restent. »

Ilse : « Nous privilégions avant tout le bon profil, sans nous braquer sur les seuls diplômes. Un golden match est indispensable, les cultures respectives doivent s’accorder. » Les compétences, cela s’apprend, pas l’état d’esprit. Les très bonnes candidatures spontanées reçues ne déclenchent pas nécessairement le déclic. » 

« Récemment, nous avons assisté au départ d’un certain nombre de personnes qui, suite à notre rebranding, ne se sentaient plus à leur place chez nous. C’est parfaitement compréhensible, et c’est la solution la plus juste pour chaque partie »

« Nous formons une grande et forte équipe où les gens se soutiennent mutuellement et qui se complète au gré des besoins. Qui vient travailler ici a un peu l’impression de rentrer à la maison. Les gens ont leur mot à dire, par exemple lors de tests de logiciels destinés au bureau. Les décisions se prennent collégialement. »

« Nous privilégions avant tout le bon profil, sans nous braquer sur les seuls diplômes. » Un golden match est indispensable, les cultures respectives doivent s’accorder. » Les compétences, cela s’apprend, pas l’état d’esprit. Ilse Simis, GRAEF

Tom : « Geert, observez-vous des changements importants sur le marché du travail par rapport à avant ? »

Geert : « L’important, c’est l’authenticité. Le marché du travail est limité, les gens s’avèrent plus sélectifs et ont davantage de choix. Ils se demandent à juste titre s’ils ont leur place dans l’entreprise x ou y,. et je ne vois pas la situation évoluer au cours des prochaines années. Même avec une récession sévère, certaines compétences resteront rares. »

« La comptabilité reste donc une profession en pénurie. Les services aux entreprises affichent encore un potentiel de croissance et la complexité de leurs activités ne cesse de s’amplifier. Le support numérique réduit l’importance des aspects techniques tandis que la priorité va de plus en plus aux services de conseil, ce qui devrait contribuer à une raréfaction des talents dans le secteur de la comptabilité. »

Tom : « Cette évolution a-t-elle un impact (parfois multiple) sur la rotation ? »

Geert : « Les départs ont de fait un impact important sur le marché du travail. Lorsque la crise du COVID a commencé à se calmer, une personne sur cinq a commencé à postuler activement. La culture et les valeurs d’une entreprise sont souvent les raisons qui poussent les gens à changer d’environnement de travail. Ces perspectives et ces opportunités de carrière sont vraiment cruciales. Saviez-vous qu’une entreprise sur quatre seulement organise des entretiens de carrière avec ses employés ? C’est beaucoup trop peu. En investissant dans ce domaine, vous vous démarquez résolument en tant qu’organisation.’

“Saviez-vous qu’une entreprise sur quatre seulement organise des entretiens de carrière avec ses employés ? C’est beaucoup trop peu. En investissant dans ce domaine, vous vous démarquez résolument en tant qu’organisation. » Geert Janssens, ETION

« Il y a souvent un décalage important entre ce que les entreprises pensent de leurs initiatives en faveur de leur personnel et comment ce même personnel considère ces initiatives. La carrière est une chose, mais le soin du bien-être mental joue un rôle sans cesse grandissant. » Heureusement, cet aspect est de plus en plus pris en compte. Les PME sont plus promptes à prendre l’initiative dans ce domaine que les grandes entreprises ; elles pensent davantage à long terme. Les petites entreprises considèrent que le bien-être est au moins aussi important que les résultats financiers. Et c’est là un facteur attrayant pour un candidat

« Autre chose : le caractère écologique et durable d’une entreprise est souvent évoqué lors des entretiens d’embauche, c’est-à-dire par le candidat même. Il importe dans ce cas d’être à même de mettre des propositions sur la table. »

Tom : « Qu’en est-il de l’âge moyen d’un comptable ?

Luc : “La moitié des personnes affectées aux métiers comptables ont plus de 50 ans. Nous avons besoin de jeunes. »

Tom : « L’informatisation a-t-elle un impact sur les collègues d’un âge avancé. »

Ilse : « Dans notre bureau, ce sont les plus âgés qui maîtrisent le mieux les programmes informatiques. Deux employés ont la soixantaine, et c’est à notre avis un bon mix. C’est un fait : nos collaborateurs plus âgés jonglent sans problème avec nos outils numériques. »

Luc : « Exact. Les collègues d’âge plus mûr ne sont assurément pas moins disposés à se recycler. Il faut absolument se débarrasser de ce préjugé. »

« Les collègues d’âge plus mûr ne sont assurément pas moins disposés à se recycler. Il faut absolument se débarrasser de ce préjugé. » Luc Stijven, DFW Accountants & Advisors

Tom : « Et les jeunes ? Sont-ils prêts, ‘numériquement’ parlant, pour le marché du travail ? »

Luc : « Oui, je le pense »

Ilse : « Cela dépend également de la formation qu’ils ont reçue.”

Geert : “Ce qui varie bien entendu d’une profession à l’autre. On voit de plus en plus d’entreprises qui se muent en centres de formation. Elles recrutent des personnes dépourvues du bon profil et les forment ensuite en interne. Comme chez GRAEF, n’est-ce pas Ilse ? Le déclic se fait-il ? Y a-t-il des compétences que l’on peut acquérir ? Si c’est le cas, OK. En outre, les tâches de contrôle vont se multiplier à la suite de l’informatisation : il faudra toujours vérifier l’exactitude des données. »

« Ce n’est pas comme si la technologie remplaçait les gens, n’est-ce pas. « Robot cherche collègue », telle est l’équation en fait. Contrôles et formations sont et restent des activités humaines. La création d’emplois se fera principalement dans des spécialisations au sein de professions où les personnes sont assistées par la technologie et l’intelligence artificielle, ce que l’on appelle la coopération homme-machine.  Le scénario apocalyptique de la “robocalypse’ que tout le monde craignait revêt une dimension apparemment beaucoup plus sympathique. »

Tom : « Êtes-vous aussi amenés à modifier le cap de l’organisation interne à la suite de tous ces changements ? »

Luc : « Nous sommes proactifs dans la création d’opportunités. L’entreprise doit continuer à vivre quand je n’y serai plus. Bien sûr, on ne peut tout faire soi-même, il faut pouvoir déléguer à une bonne équipe. »

Tom : « L’entreprise participative ? »

Luc : « Certainement, mais c’est une dynamique du donnant-donnant. Les gens doivent avoir prouvé qu’il est de fait possible de promouvoir les valeurs de l’entreprise. Saviez-vous que deux de nos associés ont commencé chez nous comme stagiaires ? Autrement dit, il ne faut pas toujours regarder du haut vers le bas. »

Geert : « Actions, primes de résultat ; les organisations sont souvent à la recherche de nouveaux moyens de fidéliser leurs collaborateurs. C’est intéressant pour les conseillers et les ingénieurs – des m/f/x avec une masse de savoir-faire qu’aucune entreprise n’aime voir partir. Ceux qui achètent des actions avec leur propre argent témoignent ainsi de leur confiance dans l’avenir de l’entreprise. »

« Mais je ne crois pas que la participation doive se limiter à l’aspect financier. A terme, elle recouvre bien d’autres aspects. Qui reprendra ensuite l’entreprise ? Et que faire si les candidats potentiels quittent quand même ? Il faut prévoir des liquidités en tenant compte des conditions en cas de départ de personnes. »

Ilse : « Tout le monde ne veut pas être à la barre tout le temps, Geert. Un de nos collègues aime garder un pied financier dans la maison, mais n’est pas du tout intéressé par la gestion. Il est peu probable que de telles personnes soient vite tentées de prendre la porte. »

« Même si GRAEF est une entreprise familiale, il en va de la participation comme dans les autres entreprises. L’entreprise ne doit pas nécessairement rester dans le giron familial pourvu qu’elle continue d’exister. Et si c’est un ancien qui reprend les rênes, c’est d’autant mieux. Il faut donner une chance aux gens. »

Tom : « Est-ce qu’il arrive que les grands bureaux viennent débaucher votre personnel ? »

Luc : « Non, je pense que c’est l’inverse qui se produit. Ils disposent bien sûr de moyens plus importants, et ils cherchent à faire bonne impression par le biais d’un marketing intense. A première vue, tout a l’air parfait, mais la déception menace au tournant. Il m’est arrivé de travailler pour un des Big Four. L’ambiance de travail, les relations avec le personnel… c’est quand même une autre paire de manches. Longues journées, pratiquement pas de suivi personnel, aucune possibilité de participation. Aucune comparaison possible avec un bureau comme le nôtre. »

Ilse : « Chez nous, quelques-uns ont franchi le pas. Nous les avons salués à leur départ : “Vas-y, et n’hésite pas à revenir si d’aventure il s’avère que c’est mieux ici chez nous. » Ils sont toujours plus que bienvenus. »

Geert : « Les grandes organisations ont également plus de mal à prendre le virage de la participation. La question est beaucoup plus complexe à leur niveau.

La vague de rachats.

Tom : « Constat. On assiste à une véritable vague de consolidation dans le secteur de la comptabilité. C’est aussi un constat que vous faites ? »

Ilse : « Les bureaux travaillent rarement avec une ou deux personnes. Ce n’est tout simplement plus possible, les coûts sont trop élevés. Certains bureaux s’informatisent dans la perspective d’être repris, optant ainsi pour une mise en vitrine contemporaine

“Les bureaux travaillent rarement avec une ou deux personnes. Ce n’est tout simplement plus possible, les coûts sont trop élevés. » Ilse Simis, GRAEF

« Nous misons aussi largement sur l’informatisation, mais pas en vue d’un rachat. Nous préférons collaborer avec d’autres bureaux qui partagent la même culture. Comme nous sommes très avancés en matière d’informatisation, ils doivent toutefois être en mesure de tenir le rythme. »

Luc : « Ma préférence irait plutôt à la reprise d’un autre bureau, . Si ce n’est qu’il n’est pas toujours nécessaire d’aller aussi loin. Il y aussi l’exemple de KUBUS.nl aux Pays-Bas : des entrepreneurs indépendants qui partagent un certain nombre de coûts. Très intéressant en fait. Peut-être cette idée fera-t-elle école en Belgique aussi ? TAA (Tax, Administration & Advice) pourrait se renseigner, mais cela ne semble pas être une priorité immédiate pour eux. Une occasion manquée, à mon avis. » 

Tom : « Un cabinet comptable unipersonnel peut-il encore survivre ? » ‘

Ilse : « J’ai des doutes à ce propos. »

Luc : « Moi-même, je n’en voudrais jamais. »

Ilse : « Pfft, il faut acquérir tous ces outils informatiques et autres, et faire cela seul… »

Luc : « On ne peut pas continuer à repousser la modernisation. Cet état d’esprit numérique est important, mais vous ne pouvez pas non plus changer tout le temps. »

Ilse : « Exact. Un accompagnement est indispensable. Mais nous n’avons pas peur d’investir dans le progrès. Il ne faut pas sous-estimer l’Homme. Les clients remplissent leur déclaration d’impôts via notre nouveau chabot. On ne savait pas si cela allait marcher, mais voyez, cela marche bien quand même. »

« D’ailleurs, nous refusons les nouveaux clients papier. Ici, tout est numérique. S’il y a incompatibilité, c’est sans doute parce que nous ne sommes le bureau qui convient pour certains. »

Luc : « Idem chez nous, il nous arrive aussi de montrer – gentiment – la porte à des clients, bien que cela dépende plutôt du secteur. L’horeca, par exemple, ou les médecins et les pharmaciens, qui sont confrontés à des problèmes très spécifiques. Soyons clairs, il peut être intéressant de se focaliser sur un certain secteur, car cela permet de transcender les frontières régionales. »

Geert : « Il est peut-être moins question de private equity dans le secteur de la comptabilité, même si PIA Group et Waterland ont provoqué une véritable commotion sur le marché. Faut-il y voir les prémices d’une nouvelle tendance ? Peut-être agissent-ils de la sorte par suite d’un manque d’alternatives ? L’argent était bon marché, mais cela pourrait changer avec la hausse des taux d’intérêt. D’ailleurs, nous observons déjà un recul cette année. Un refroidissement du marché en général. »

« Il est peut-être moins question de private equity dans le secteur de la comptabilité, même si PIA Group et Waterland ont provoqué une véritable commotion sur le marché. » Geert Janssens, ETION

Tom : « Quand vous frottez votre boule de cristal, que dit l’avenir ? Des services supplémentaires ? Élargissement, ou approfondissement de l’offre ? »

Luc : « Devenir un conseiller encore meilleur. Accompagner les gens, aider les clients à entreprendre. Expliquer les choses, assister. En tant que comptables, il nous incombe de faire en sorte que les entrepreneurs sortent gagnants. A défaut, nous devons les aider à mettre fin à leur activité. Et encore : les médias sociaux. On ne peut pas rester à la traîne : temps et suivi sont indispensables, ce qui n’est pas si évident. »

« En tant que comptables, il nous incombe de faire en sorte que les entrepreneurs sortent gagnants. A défaut, nous devons les aider à mettre fin à leur activité. » Luc Stijven, DFW Accountants & Advisors

Ilse : « Un air de déjà vu. Nous voulons également passer à la vitesse supérieure en matière de médias sociaux. Et puis : focaliser davantage sur le conseil, meilleur rapportage, planification de la succession, rachats et acquisitions, accompagnement. Nous sommes en ce moment même en train d’étudier un outil TCO (Total Cost of Ownership). Un stagiaire a réalisé ce projet dans le cadre d’un mémoire de fin d’études et nous pouvons désormais proposer ce concept à nos clients. »

Geert : « L’avenir est prometteur pour les comptables ; la profession n’est certes pas appelée à disparaître. L’Institute for Future Studies de Copenhague a surestimé l’évolution. Le facteur limitatif, c’est l’homme ; on ne peut pas tout confier sans plus aux machines. »

« D’ailleurs, les machines ne sont pas aussi infaillibles que nous le pensions. Elles travaillent toujours sur des petite portions spécifiques sans jamais voir le contexte. Morale de l’histoire : l’homme est et reste indispensable. OK, la technologie ne cesse d’évoluer. D’autres professions sont sans aucun doute appelées à connaître des chambardements. »

Ilse : « Le concurrent peut être issu d’un autre secteur, les banques, par exemple. »

Geert: « Oui, on évolue de fait dans cette direction, mais de nouvelles opportunités peuvent aussi en sortir. »

Tom : « Voilà, c’est avec plaisir que nous terminons sur une note positive. Merci beaucoup pour votre précieuse contribution. Et à tous les comptables : vous êtes et restez une race indispensable. »

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